Aider les entreprises à prendre le tournant numérique

La fondation veut aider les associations professionnelles à identifier les mutations qui pourraient entraîner de nouveaux besoins de formation dans leur secteur. Elle peut financer une partie des cours visant à y répondre.

De quelle manière former les mécaniciens automobiles, alors que les moteurs électriques pourraient, à terme, supplanter les moteurs à combustion? Comment familiariser les collaborateurs du secteur de la construction avec les modèles numériques intégrés (BIM), qui prennent une place croissante et modifient la manière dont on conçoit, construit et exploite un bâtiment? Des questions de ce type, on s’en pose dans toutes les branches. Des professions meurent, des métiers naissent et les autres évoluent de plus en plus rapidement, obligeant les travailleurs à se former tout au long de leur carrière.

Or, les plus petites entreprises ne sont souvent pas outillées pour s’adapter à ces transformations. La Fondation pour la formation professionnelle et continue du canton de Genève – FFPC (lire ci-dessous) – veut donc inciter les associations professionnelles à déterminer les compétences dont les collaborateurs de leur secteur auront besoin pour rester employables, au vu des mutations de leur métier. Elle pourra ensuite leur octroyer des moyens financiers pour organiser des formations visant à les enseigner.

Le commerce de détail s’est déjà lancé. A Genève, son chiffre d’affaires a sensiblement baissé depuis 2008, notamment à cause de la concurrence de la France voisine et du commerce en ligne. Un groupe de travail s’est donc demandé comment les commerces traditionnels pouvaient se réorienter. Il a conclu que la qualité de l’accueil était l’un des éléments leur permettant de se démarquer. Un mandat a été donné à l’Ecole hôtelière de Genève pour donner une formation sur ce thème, à l’intention des commerçants et de leurs employés. La Fédération du Commerce Genevois coordonne ce projet pilote, entièrement financé par la FFPC. La première session a débuté le 7 mai et affichait complet.

AgriGenève a pour sa part organisé plusieurs cours destinés aux viticulteurs genevois ayant notamment pour objectif de développer des techniques d’entretien du sol permettant de limiter le recours aux herbicides. L’Association genevoise des ingénieurs a mis sur pied un séminaire visant à familiariser les décideurs des bureaux d’ingénieurs avec le BIM. La finance est allée encore plus loin, en créant l’Institut supérieur de formation bancaire, qui permet de développer les compétences des travailleurs du secteur en fonction des évolutions qu’il connaît. C’est le type d’initiative qui peut jouir du soutien financier de la fondation, qui peut couvrir tout ou partie du budget.

Jusqu’à présent, peu nombreuses sont cependant les associations professionnelles à avoir entrepris de telles démarches. Or, toutes sont confrontées à des mutations très rapides, auxquelles les formations en vigueur ne répondent pas forcément. «La Suisse se distingue par des filières ultra spécialisées», remarque Sabrina Cohen Dumani, directrice de la fondation. «Avec l’évolution technologique, des branches entières vont devoir se repositionner. Il faudra mieux anticiper ces transformations, car, pour le moment, nous naviguons à vue.»

La fondation veut donc aider les associations professionnelles à relever ce défi. Elle va se doter d’outils d’anticipation visant à prévoir les compétences dont auront besoin les entreprises dans les trois à cinq ans, afin de leur permettre de s’y préparer. Il s’agit notamment d’effectuer une veille visant à déceler les nouvelles tendances le plus tôt possible, ainsi que les besoins en formation qu’elles engendrent. «La fondation peut fournir l’impulsion et des outils, mais c’est aux associations professionnelles d’apporter leur connaissance de la branche et de définir les besoins», remarque Sabrina Cohen Dumani. Des cours visant à y répondre pourront ensuite être organisés, avec le soutien financier de la fondation, sur le modèle des formations organisées par la Fédération genevoise du commerce ou par Agri Genève.

 

Une institution financée en partie par les employeurs

La Fondation pour la formation professionnelle et continue (FFPC), d’abord créée sous forme de fonds en 1988, a deux sources de financement, d’importance plus ou moins égale. D’abord, les cotisations annuelles des employeurs – actuellement de 31 francs par employé et par an. Comme, de par la loi, tous les employeurs basés à Genève doivent s’en acquitter quels que soient leurs efforts en matière de formation, «la fondation soulage ceux qui en font le plus», remarque Sabrina Cohen Dumani, directrice de la fondation.

Cette dernière touche également des subsides de l’Etat, au titre de l’encouragement à la formation professionnelle et à la formation continue. Ses prestations financent deux grands types de formations. D’abord, celles qui concernent les apprentis. C’est notamment grâce à elles que les entreprises genevoises n’ont rien à payer quand un de leurs apprentis suit un cours interentreprises – une particularité genevoise.

C’est également grâce à la fondation que des associations professionnelles telles que la section genevoise de l’ASTAG (transports routiers) et l’AGEMEL (métiers de laboratoire) ont pu mettre en place des réseaux de formation. Dans le cas du transport routier, l’ASTAG organise les tests d’aptitudes pour les candidats à l’apprentissage. Si une entreprise du réseau souhaite recruter un candidat les ayant réussis, ce dernier signe son contrat d’apprentissage avec l’ASTAG. C’est en effet cette dernière qui est titulaire de l’autorisation de former – ce qui évite aux entreprises d’effectuer les démarches nécessaires pour l’obtenir. C’est en revanche l’entreprise qui paie le salaire et les charges sociales de l’apprenti. L’ASTAG organise ensuite des échanges – les apprentis effectuent des stages de trois à six semaines dans d’autres entreprises du réseau. Si un problème se pose avec un apprenti, c’est également à l’ASTAG de le gérer avec les autorités compétentes. Toutes les prestations que cette dernière effectue en faveur du réseau sont financées par la FFPC. Grâce à ce système, le nombre d’apprentis chauffeurs poids lourds formés à Genève a triplé en quatre ans, passant de cinq à quinze.

Les prestations de la fondation s’adressent également aux organismes qui effectuent de la formation continue à l’intention des adultes – par exemple des cours de langue, des bilans de carrière ou des formations modulaires permettant à des adultes sans qualification reconnue d’obtenir un titre. Lorsque la formation vise à obtenir un certificat fédéral de capacité (CFC) ou une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP), la fondation peut prendre en charge une partie de la perte de gain de la personne, pendant qu’elle s’absente de l’entreprise.

La fondation est gérée de manière tripartite par l’Etat, la Communauté genevoise d’action syndicale et l’Union des associations patronales genevoises, dont la FER Genève fait partie.

La fondation a subventionné des cours destinés aux viticulteurs genevois ayant notamment pour objectif de développer des techniques d’entretien du sol permettant de limiter le recours aux herbicides.

 

Pierre Cormon/Entreprise romande/24.05.2019