A Balexert, ils bataillent ferme pour décrocher un apprentissage

Formation Plus de 300 jeunes ont passé des entretiens sous forme de «speed dating». Certains ont même pu s’y préparer.

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Un rabais spécial sur le dernier smartphone à la mode? La venue d’une star? La sortie du dernier jeu vidéo en 3D? Non, rien de tout cela n’explique la file d’attente de jeunes gens qui s’est formée mercredi à l’entrée du restaurant Migros du Centre commercial de Balexert. Tous sont là pour se confronter à la réalité d’un recrutement en direct. Objectif: obtenir l’une ou l’autre des 120 places d’apprentissage que proposent les quinze entreprises représentées.

L’attente est anxieuse, le sérieux est donc de mise. Pour beaucoup, il s’agit d’une première. C’est le cas pour Sarwarri El Taf, un jeune Afghan arrivé en Suisse il y a un an: «Bien sûr que ça fait peur, reconnaît-il sans difficulté. Moi, j’aimerais devenir mécanicien.» Pour accroître ses chances, il aura pu recevoir sur place avant l’entretien des conseils pour la mise en forme de son curriculum vitae (CV) et se faire tirer le portrait par un professionnel pour lui adjoindre cette photo. Ensuite, ce sera à lui de jouer face à son potentiel futur employeur.

Apprendre à se valoriser

Le dispositif mis en place pour l’occasion est solide et a mobilisé une vingtaine de personnes. La prestation est proposée par l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) associée à la Ville de Vernier. Pour cette 2e édition dans la commune, le Bureau de l’intégration des étrangers est aussi de la partie. Son aide a en effet permis de financer une préparation à ces entretiens.

«L’édition de 2016 s’était très bien déroulée et avait attiré beaucoup de jeunes migrants, explique Florian Kettenacker, délégué à l’emploi au sein du Service de la cohésion sociale verniolan. Mais ils étaient souvent très mal préparés. C’est pour cela que nous avons mis en place une semaine de préparation intensive.»

Une vingtaine de jeunes l’ont suivie. Ils ont pu identifier leurs compétences et reformuler leur projet professionnel. Raphaël Hatem, un Web designer, a également remis en forme et personnalisé leur CV. Et ils ont bien entendu eu droit à des simulations d’entretiens, en groupe et individuellement. De quoi apprendre à mieux se valoriser et, c’est loin d’être anodin, augmenter leur capital confiance.

Ce qui compte vraiment

Apprendre à se présenter est en effet tout simplement indispensable. Ce ne sont pas des théoriciens qui le disent, mais les entreprises elles-mêmes.

Le résultat du sondage réalisé auprès des 125 entreprises qui ont participé lors du premier semestre 2016 à des recrutements en direct à Genève est sans appel. Parmi les critères de sélection des employeurs, l’impression donnée durant l’entretien est le plus déterminant: il est jugé très important à près de 80%, loin devant le CV ou même un stage de sélection dans l’entreprise.

Rencontrée après son entretien, Yasmine Lago n’avait visiblement pas forcément besoin d’une aide préalable. Sans doute parce qu’elle connaît déjà le monde du travail pour avoir eu un emploi dans la restauration: «Oui, ça s’est bien passé, se réjouit cette Espagnole née à Genève mais qui en est partie à 12 ans avant de revenir il y a deux ans. Mais, pour moi, il est tout de même plus facile d’aller au travail que de passer des entretiens.» Son espoir: décrocher une formation dans le domaine des soins.

Le sourire de Diogo

Le cas de Diogo Aço Felisberto est différent. Lui a pu compter sur l’appui préalable de la Commune (lire également ci-dessous). Une aide précieuse pour ce Portugais de 20 ans, qui a appris le français en un an, mais connaît mal le fonctionnement du monde du travail et encore moins celui de la société genevoise. Comme la plupart des jeunes venus tenter leur chance, Diogo appréhendait l’exercice. Mais, à la sortie de l’entretien, c’est un jeune homme détendu qui est apparu: «Non, je n’ai pas signé un contrat d’apprentissage, mais j’ai obtenu un stage», glisse-t-il avec un grand sourire.

Alors, opération réussie M. Kettenacker? «Oui, car au-delà du nombre de personnes qui sont venues, ce qui me frappe c’est l’espoir que cela procure à ces jeunes. Ils sont pris en considération, et de manière directe. C’est cela qui est valorisant. Et puis, en organisant ces rencontres dans ce centre commercial, on se trouve dans un environnement familier pour eux. En fait, c’est un peu nous qui venons chez eux.»

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Eric Budry / Tribune de Genève / 02.02.2017