Deux ex-apprentis aux manettes de Credit Suisse

Place financière genevoise Ancien footballeur pro du Servette FC, Pascal Besnard a remplacé Serge Fehr à la tête de la banque à Genève.

Dans les années 80, ils étaient tous deux apprentis genevois de SBS. Serge Fehr, a rejoint en novembre la direction de la division regroupant les activités de Credit Suisse sur le sol helvétique – elle est censée gagner en indépendance d’ici deux ans – où il chapeaute la gestion de fortune. A 49 ans, il était jusque-là responsable à Genève de la deuxième banque du pays.

Son remplaçant, Pascal Besnard, 52 ans, a lui aussi gravi les échelons au sein du département dédié à la clientèle privée à Genève. Il dirige désormais la clientèle private banking et représente l’ensemble des 960 employés dans le canton, sur un total de 17’000 dans le pays. Il n’aura pas trop de ses talents d’instructeur de football pour accompagner ces équipes à entrer dans la nouvelle ère qui s’ouvre pour les banques genevoises. Et pour Credit Suisse, institution où 1600 suppressions de postes ont été annoncées l’an dernier dans le pays.

«Eviter de subir seul»

A Genève, 960 personnes pointent chaque matin aux portes des bâtiments de la banque. Elles étaient 1100 il y a quatre ans. La faute aux nouvelles technologies et au transfert à l’étranger d’unités de support. «Le nombre de gestionnaire de clientèle a, lui, augmenté sur cette période», rétorque Serge Fehr.

Sur la place financière, le choc est ailleurs. Dans les têtes des employés, surtout des plus anciens. Rencontré il y a dix jours dans une salle du dernier étage de l’élégant bâtiment de la place Bel-Air – remis à neuf sous son «mandat» – Serge Fehr reconnaît qu’il n’a «jamais été aussi difficile de conduire les gens qu’aujourd’hui». La gageure reste de «convaincre de ne pas se retourner sans cesse vers le passé», poursuit celui qui a travaillé comme conseiller de riches clients moyen-orientaux. «Aujourd’hui le métier est devenu très complexe compte tenu des exigences réglementaires – notamment dans les activités transfrontalières mais aussi quant aux procédures de conseil – nous avons mis en place des formations obligatoires exigeantes à l’intention de nos chargés de clientèle», explique l’ex-gérant de fortune. «Il faut leur éviter de subir seuls cette révolution», ajoute en écho Pascal Besnard. Les âges d’or, les jours d’après, l’ancien milieu de terrain connaît. Champion suisse de foot avec Servette en 1985, l’ex-héros des Charmilles reste membre du directoire d’un club qui fait partie de l’ADN familial.

Objectif, 30% de femmes

Ces transformations n’empêchent pas la banque d’assurer la relève. «A Genève, nous avons une trentaine de jeunes en formation – apprentis, titulaires de maturité commerciale ou juniors bankers», poursuit celui qui a fait huit ans de carrière pro sur les pelouses. Son souci reste d’insuffler davantage de «diversité» dans les équipes au contact avec les clients. Et notamment d’atteindre 30% de conseillères, «en balayant les a priori, comme celui voulant que ce métier soit incompatible avec un temps partiel».

Une diversité d’ailleurs présente aux plus hauts échelons du groupe, avec le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam. «En septembre, nous avons réuni 900 collaborateurs autour de lui à Genève, le contact – en français – a été extraordinaire… et pourtant il n’avait pas caché que 2016 serait une année très compliquée», se souvient Serge Fehr. Un big boss francophone au Credit Suisse? Autre rupture, cette fois avec l’ère américaine de Brady Dougan.

Pierre-Alexandre Sallier / 24 heures / 09.02.2016