La formation duale séduit les patrons français

La formation. De base ou continue, c’est un mot sacré en Suisse, qui rassemble patronat et syndicats, employeurs et employés. Et ce qui distingue notamment la Suisse, mais aussi l’Allemagne, c’est la formation duale, partagée entre l’école et l’entreprise. Ce système a été érigé, ici, en modèle. À tel point qu’il intrigue les Américains comme les Français. En juillet 2015, la Suisse s’était engagée à partager avec les États-Unis son savoir-faire en matière d’apprentissage et, en décembre 2016, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann avait à nouveau vanté les avantages de la formation duale au président américain Donald Trump. Hier, c’est le patron des patrons français, Pierre Gattaz, qui était à Genève pour se renseigner en détail sur ses spécificités.

«Ce qui m’intéresse dans le système suisse, c’est le grand pragmatisme de la démarche. Et aussi le fait que ces questions de formation ne soient pas politisées, ce qui n’est pas le cas en France», a résumé le Français, qui préside le Medef (Mouvement des entreprises de France). Pierre Gattaz veut comprendre pourquoi un tel fossé sépare les deux pays. Selon l’OCDE, 62% des jeunes Helvètes âgés de 15 à 24 ans sont en emploi, contre à peine 28,4% des Français de la même tranche d’âge.

Françoise Weber, représentant la CGAS (Communauté genevoise d’action syndicale), a souligné pour sa part le «terrain d’entente» des patrons et des syndicats sur la question de la formation. «Nous discutons beaucoup entre nous», a lâché la syndicaliste, alors que Frank Sobczak, directeur formation de la Fédération des entreprises romandes Genève (FER), indiquait «qu’en vingt ans de pratique, la formation professionnelle n’a jamais été prise en otage par des considérations d’ordre politique».

La formation duale est donc une sorte de vache sacrée. Des patrons et des syndicats marchant la main dans la main? Cette image faisait sourire la délégation patronale française, habituée à des échanges verbaux beaucoup plus musclés de la part des syndicats comme des milieux politiques.

Après des introductions faites par Jean-Luc Favre, président de l’Union des associations patronales genevoises, et Bernard Rüeger, vice-président d’economiesuisse, Sabrina Cohen Dumani, directrice de la Fondation pour la formation professionnelle et continue du Canton de Genève (FFPC), a brossé le tableau général de la formation duale. Elle a relevé la bonne réputation dont jouissent l’apprentissage et la formation duale en particulier. Et elle en a souligné les originalités, liées en particulier à l’existence de passerelles entre la formation de base et les enseignements prodigués dans les hautes écoles.

Une «culture du repêchage» existe aussi, notamment à Genève, où des programmes ont été mis en place pour remettre en selle les jeunes déscolarisés. Ce système d’éducation fondé sur la perméabilité a aussi été suivi avec intérêt par Pierre Gattaz, le chômage des jeunes représentant des petites bombes à retardement dans des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie.

Roland Rossier/Tribune de Genève/11.01.2018