Lausanne est la capitale fédérale pour une journée

Visite Le Conseil fédéral siège ce matin à l’Ecole des métiers et doit rencontrer la population à midi à Saint-François. Une visite symbolique voulue comme un hommage au canton.

Leurs Excellences de Berne débarquent au bord du Léman. Le Conseil Fédéral abandonne aujourd’hui les lambris bernois pour tenir sa séance hebdomadaire dans une salle de l’Ecole technique – Ecole des métiers de Lausanne (ETML). A midi, les sept Sages et le Conseil d’Etat vaudois se prêteront à une rencontre informelle avec la population à la place Saint-François. Echanges, serrages de paluches, effusions. Une rencontre voulue simple, comme en 2013, au Château de Prangins et à Nyon. C’est la dixième fois en six ans que le gouvernement siège à l’extérieur – la deuxième fois dans le canton de Vaud. Une tradition instaurée en 2010 par Doris Leuthard.

Délocaliser le gouvernement? Un jeu d’enfant, à entendre la Chancellerie fédérale: «On parle d’une équipe restreinte de sept personnes, rappelle André Simonazzi, porte-parole du Conseil fédéral. Aller travailler à l’extérieur ne représente pas une grande organisation, il s’agit de déplacer quelques computers et un fax pour rester en connexion avec l’Administration fédérale.» Le convoi des ministres se réduit à un wagon CFF et quelques fourgons. «On décrit souvent notre système politique comme lourd et lent, dit André Simonazzi. Ce genre de déplacement montre au contraire qu’il est souple et efficace, adapté à la gestion de crises.»

«On décrit parfois notre système comme lourd et lent. Ce genre de déplacement montre au contraire qu’il est souple et efficace»

Pourtant, nos questions montrent qu’une telle opération est loin de se faire à la bonne franquette. Impossible de savoir quoi que ce soit sur le dispositif de sécurité (lire ci-contre). Impossible de visiter à l’avance la salle de l’ETML où siégera ce matin le Conseil fédéral. Impossible, non plus, de savoir où le Conseil d’Etat dînera avec le Conseil fédéral en début d’après-midi. Quant à la rencontre avec le public à midi, elle sera vraisemblablement sous haute surveillance. La Jeunesse socialiste vaudoise va tenter d’approcher les sept Sages pour leur remettre sa pétition contre le doublement des taxes d’études à l’EPFL. En ayant conscience de marcher sur des œufs: «On a préparé des visuels, mais la consigne est de rester discrets, histoire d’éviter que cinq gendarmes nous tombent dessus», dit son porte-parole, Romain Pilloud.

Cadeau pour une école

A l’ETML aussi, la discrétion est de rigueur. Le nom de l’école n’a été dévoilé que récemment, pendant les vacances de Pâques. Le directeur, Christophe Unger, n’a pas fait d’annonce tonitruante sur la venue du Conseil fédéral. Seule une partie des élèves est au courant: les cours auront lieu ce matin comme en temps normal. «De toute façon, on ne pourrait pas imaginer les 820 étudiants faire une haie d’honneur au gouvernement en sortant de la salle», dit-il. Mais cette visite apparaît comme un cadeau pour l’institution, qui fête ses 100 ans cette année: «C’est un immense honneur, une occasion qui ne se présente qu’une fois dans une vie», se réjouit Alexandre Zappelli, enseignant dans la classe de quatrième de menuiserie-ébénisterie, qui attend ce matin la visite de Johann Schneider-Ammann, président de la Confédération.

De l’utilité d’une visite

Hormis le fait d’honorer une école et une région, à quoi sert une telle délocalisation? L’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin évoque une initiative «sympathique», sans y voir un réel moyen de rapprocher le peuple et les élites fédérales: «De toute manière, le but d’un Conseil fédéral n’est pas d’être populaire, mais d’inspirer la confiance par ses décisions politiques», considère le Valaisan. Le conseiller d’Etat Pascal Broulis se réjouit d’échanger avec les sept Sages, notamment pour revenir à la charge sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III): «J’insisterai auprès d’Ueli Maurer pour faire accélérer le processus au parlement. Cette réforme donnera un avantage concurrentiel au canton, c’est l’avenir, c’est le changement.» Enfin, cette visite vise à souligner une nouvelle fois cette spécificité toute suisse: l’accessibilité des élus. Syndic de Nyon, Daniel Rossellat se souvient avec émotion de la visite de 2013: «Je me suis senti fier de notre démocratie en voyant l’ensemble du gouvernement accessible à tous les citoyens sur la place du château.»

Patrick Chuard / 24 heures / 13.04.2016