Les gestionnaires en intendance ont désormais leur CFC pour adultes

Unique en Suisse, une première volée en formation qualifiante a démarré en octobre dernier à Genève

Laurie Josserand Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC)

Il est des métiers dont on ne soupçonne pas la dimension sociale, ni le côté technique et encore moins l’aspect pluridisciplinaire: la profession de gestionnaire en intendance (GEI) en est une parfaite illustration. Décoration, administration, accueil, distribution de repas, entretien du linge, aide en cuisine, formation de collaborateurs, élaboration de menus: les tâches sont variées et réclament la maîtrise de compétences avérées.

«Cela s’explique également par la diversité des lieux de travail: appartements de particuliers, établissements médicosociaux, cliniques, cafétéria d’établissements scolaires, foyers, précise Sandra Bissig, présidente de l’OrTra intendance Genève, l’organe faîtier du secteur. Les employeurs ont donc tout intérêt à avoir des professionnels qualifiés, ce qui donne une importance capitale à la question de la formation.»

Pour répondre à ces besoins, plusieurs partenaires (OrTra intendance, Service de la formation continue de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC), établissements médico-sociaux) ont lancé, en octobre 2017, une filière CFC de gestionnaire en intendance par la prise en compte des acquis de l’expérience, unique en Suisse.

Formation modulaire

Pour entrer dans le dispositif, l’expérience professionnelle est un prérequis incontournable: cinq ans de pratique sont exigés, dont deux en emploi dans le domaine de l’intendance ou du nettoyage. Les candidats doivent aussi être titulaires d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP), maîtriser le français et les opérations mathématiques de base.

Autre condition sine qua non: être contribuable à Genève depuis au moins un an, ce qui garantit une prise en charge financière du dispositif. Pour les personnes ne possédant pas de titre du secondaire II, suivre les modules de culture générale est indispensable. «Chaque jeudi soir de 16 h 30 à 20 h, je fréquente l’Ecole de culture générale pour adultes afin de passer les trois modules nécessaires à l’obtention du CFC, explique MarieYvette Mbani, qui vient d’entamer sa formation de GEI après avoir obtenu l’AFP d’employée en intendance par la même voie. Les journées sont longues, mais le jeu en vaut la chandelle!»

Application pratique

Du côté de la pratique, la formation est basée sur le transfert de compétences et les mises en situation professionnelles. Les intervenants ont donc opté pour des modules professionnels dispensés sur différents lieux de travail. Ainsi, tout au long des deux ans du cursus, l’acquisition des connaissances sur le circuit du linge se fait parfois le week-end dans les ateliers buanderie de l’ORIF Vernier. L’apprentissage de la cuisine, de la plonge et du nettoyage s’effectue au Centre de formation professionnelle, Services et hôtellerierestauration, tandis que l’EMS des Charmilles met à disposition ses locaux pour la théorie (administration, communication) et l’EMS Les Châtaigniers pour l’entraînement au service.

«Manipuler des produits d’entretien chimiques, savoir ce que l’on fait du linge infectieux ou pro poser une collation en fonction de régimes particuliers ne s’improvise pas, insiste Sandra Bissig. La formation permet aux employeurs de gagner du temps et garantit aussi la sécurité des collaborateurs et des personnes prises en charge.»

Savoir communiquer

Par rapport au cursus AFP, la formation CFC accorde une place prépondérante à la communication. «Donner des instructions à des personnes (souvent allophones) qu’on est amené à former, communiquer avec des fournisseurs ou s’entretenir avec des résidents jeunes ou seniors implique différents styles de communication, note Djamal Yazli, employé à la cafétéria de l’Ecole de commerce Raymond-Uldry, qui suit actuellement la formation de GEI. Cette compétence transversale est abordée dans tous les modules du CFC.»

Cette opportunité de faire reconnaître ses compétences est aussi une forme de reconnaissance pour des professionnels de l’ombre qui assurent un sérieux et une qualité de service reconnus et salués. «S’il nous semble tout à fait normal d’entrer dans une institution propre et joliment décorée, c’est aux gestionnaires en intendance qu’on le doit, rappelle Morgane Odier-Gauthier, conseillère au Service de la formation continue de l’OFPC. Sans oublier que l’obtention du CFC leur permet de former leurs collègues et de contribuer ainsi à assurer la relève.»

 

Tribune de Genève / 22.02.2018