L’informatique s’immisce à l’école

Formation L’enseignement de l’informatique chez les plus jeunes commence à prendre forme outre-Sarine. La Suisse romande en retrait.

Laisser les enfants se frotter de manière ludique à la programmation et aux algorithmes dès le plus jeune âge: c’est ce que demande le groupement «Informatik macht Schule». Avec l’introduction de la branche «Médias et informatique», le nouveau plan d’études alémanique va dans cette direction. En Suisse romande, la réflexion est en cours.

 Au travers de cette nouvelle branche, les élèves de Suisse alémanique doivent non seulement développer des compétences médiatiques et apprendre à utiliser les outils informatiques usuels, mais également acquérir des connaissances de base en informatique. Dans le Plan d’études romand (PER), l’informatique n’est en revanche pas considérée comme une branche.

A la place, «elle s’insère dans l’enseignement des disciplines scolaires selon deux axes d’importance équivalente: l’utilisation efficace des outils bureautiques et usuels et la prévention des risques et des usages malsains, en particulier au travers d’Internet et des réseaux sociaux», explique Olivier Maradan, secrétaire général de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).

Il reconnaît que le PER va moins loin que son pendant alémanique au niveau de l’informatique, mais rappelle qu’il est cinq ans plus ancien: «Le PER a été élaboré entre 2000 et 2009 et adopté en 2010. A l’époque, les smartphones n’en étaient qu’à leur début.»

Afin d’aplanir la différence entre les exigences romandes et alémaniques, une réflexion va être menée durant cette année scolaire. «Il s’agit d’évaluer comment assurer à l’avenir la place concrète de l’informatique dans l’enseignement. Tout est question d’équilibre. Si nous rajoutons quelque chose, il faudra couper ailleurs», précise-t-il.

Labyrinthe, robot et réseau

Comment développer concrètement les capacités informatiques des élèves du primaire? Selon l’informaticien Patrick Burkhalter, membre du groupement «Informatik macht Schule», l’approche ludique est à privilégier. Les enfants peuvent par exemple chercher comment sortir d’un labyrinthe ou se familiariser avec le concept de réseau de tri à l’aide de papiers numérotés et de quelques formes tracées à la craie sur le sol. Plus tard, ils pourraient programmer un robot.

Juraj Hromkovic, professeur de technologies de l’information à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), souhaite que les enfants puissent bricoler et développer quelque chose eux-mêmes lors des cours d’informatique. «Aujourd’hui, l’école est trop passive», estime le chercheur qui s’engage depuis des années pour la transmission de compétences informatiques aux enfants.

Il souligne par ailleurs l’enthousiasme des enfants pour ce genre de cours. Avec ses assistants, il a dispensé des cours blocs dans plus de 100 écoles primaires. «A chaque fois, nous avions de la peine à envoyer les enfants en pause ou chez eux lorsqu’ils n’avaient pas encore terminé leur projet», indique-t-il.

Il est également persuadé que les cours d’informatique offrent une plus-value qui va au-delà des connaissances techniques transmises. Les enfants apprennent à créer quelque chose de A à Z, ce qui leur procure un sentiment de réussite. «C’est un enrichissement pour toutes les branches et pour leur culture générale», résume le chercheur.

Difficultés concrètes

La présence de l’informatique dans les plans d’études est une chose, son enseignement concret une autre. Le canton de Bâle-Ville a adopté le nouveau plan d’étude alémanique en 2015 déjà. Son département de l’éducation a indiqué à l’ats que les écoles du canton introduiront l’enseignement de l’informatique de manière variable durant la phase de transition de six ans.

Il a aussi souligné que l’infrastructure informatique actuelle est un obstacle, ce que confirme Olivier Maradan: «au sein même de chaque canton, il existe de grandes disparités, car l’équipement informatique et wifi est le plus souvent du ressort des communes».

La formation des enseignants constitue un autre défi. La plate-forme «Informatik macht Schule» avertit que cela ne pourra pas se faire au moyen d’un «cours-éclair». Elle appelle les cantons et les hautes écoles pédagogiques (HEP), qui sont responsables de la formation des enseignants, à collaborer pour fournir du matériel didactique de qualité.

La HEP de Zurich proposera dès août un premier cours de formation continue pour les enseignants de l’école secondaire. Selon Rahel Tschopp, responsable de la formation continue, l’intérêt est vif. Les 530 places disponibles ont trouvé preneur en un clin d’œil.

24heures / 20.08.2017